"Chez Sandrine, je vois les fruits d’arbres inconnus, mais qui viennent d’Afrique, aux couleurs de mélanine, de savane et d’ivoire. Le vent passe entre eux et un chant s’élève, une mélopée géométrique.
Et de muets tambours de glaise répondent. D’immenses graminées algébriques sortent de nulle part et sèment l’inattendu de permanentes harmonies.
Des mouvements minutés sont arrachés au temps par les soies d’Orient. De l’encre broyée coule le geste trahi, jaillit l’impulsion figée.
Je rencontre des corps de femmes et d’hommes faits d’abandon et de terre. Même nés de notre poussière, ils appartiennent à l’au-delà. Ces craquellements qui affectent aussi l’âme,
cette rugosité si attirante sont un après quelque chose, un épuisement lumineux, atomique, cendré, suprême élégance.
Inachèvement, érosion, évanescence ? Je vois des serpents de fer et de plomb qui embrassent avec passion le silence.
Et je recule pour ne pas les troubler."
Ecrits de Pascal Lauwers.
Cette création, je la sais en chemin de proche en proche par ouî-dire et par ouî-lire. Cette création, je n'en sais d'ailleurs que la vision virtuelle à défaut d'en savoir le toucher sensuel. Est-ce un travers pour ausculter l'âme du sculpteur? Pour écouter les sons de sa partition? Pour être, avec lui, en portée? Est-il besoin de la vue pour voir et de l'épaisseur pour densifier?
Ainsi la feuille de papier tire-t-elle son relief du seul sillon de la plume à sa surface lisse... J'ai donc fermé les yeux pour voir avec toute l'acuité sensorielle du mal voyant.
Et j'ai d'abord vu de l'acte créateur. Comme une nécessité, une avidité, une alchimie d'assemblage de choses enfouies et de choses à venir. La transmutation du minerai en vif argent. Le grand oeuvre au noir aux couleurs des fleurs de rouille. Et je me suis dit que travailler la terre, c'est fusionner son passé lointain et son avenir ultime.
Et que le métier de géologue et de sculpteur est une recherche de la profondeur vers la racine, le noyau, l'origine. Et ces pensées m'ont confié un sésame pour voir, au-delà de l'acte créateur, l'enfantement de soi, de l'autre, d'un fragment du monde.
Et puis j'ai ouverts les yeux intérieurs sur des fruits des bois. Bien murs. Des noisettes rebondies. A moins que ce ne soient des faînes angulaires de hêtraie futées croisées avec châtaignes policées d'arbres à pain.
Ces fruits déposés sont autant de pépites d'argile tirées elles aussi du sang de la terre. Des fruits d'un enfantement minéral et d'un enfantement végétal. Plus primal que celui de l'homme et plus fondateur dans l'ordre du temps. Des fruits à regarder pour ne pas troubler l'ordre des choses de la forêt et à croquer tout autant pour assurer la subsistance de son essence.
Et puis j'ai croisé les êtres du peuple des Grands Sages. Immobiles autour de leur vibration intérieure. Des colonnes vertébrées à la recherche de leur équilibre dansant ou de leur reptation enroulée.
Des semis d'épis épeautre contre épeautre. Des envols stalagmitiques de pleine lumière sous le goutte à goutte solaire. Tout un peuple d'êtres debout comme autant de sentinelles gênoises aux sommets d'un littoral sculpté.
Prémices à des visages emmâtés et des corps pensifs sur eux-mêmes ou penchés sur l'enfant. Tout un peuple de familiers au jardin d'Eden.
Où je me suis invité. Où j'ai appris la poésie de la courbe angulaire et la musique du silence habité. Et je me suis dit dans mon obscurité oculaire que toute vie est faite pour donner à manger du fruit à nos sens et pour donner à penser du sens à notre nuit.
Et que c'est toujours une joie de mettre son pas dans la sente tracée par un autre pour se conduire à son sommet."
Ecrits de Benoit Giaux.
Des arabesques
naissent du rocher
vers le ciel
juqu'à presque
l'accrocher
Une fresque
laisse s'approcher
l'arc en ciel
ne serait-ce que
pour le toucher
Une caresse qui
cherche à decrocher
le soleil
et le touche presque
sans tricher
Ecrits de Xavier Alexandre